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NEWSLETTER DU 4ÈME TRIMESTRE 2022

20/10/2022

NEWSLETTER DU 4ÈME TRIMESTRE 2022

UN REGARD SUR L'ACTUALITE ARTISTIQUE DU 4ÈME TRIMESTRE 2022

Tout honneur en cette rentrée aux Arts et Lettres avec la réouverture, après 12 ans de travaux… du site historique, dit Richelieu, de la BNF (Bibliothèque nationale de France), en plein cœur de Paris. Il s’agissait là d’un défi titanesque : celui d’harmoniser divers bâtiment, courant du XVIIe au XXe siècle. C’est désormais un magnifique écrin, dans un havre de verdure qui s’offre aux visiteurs, où les aménagements contemporains, dont l’escalier d’honneur, véritable sculpture d’acier et d’aluminium, dialoguent sans heurts avec les espaces patrimoniaux. Parmi eux, la célèbre galerie Mazarin, conçue, dès l’origine, pour accueillir la collection du Cardinal. Les fresques baroques des peintres italiens, Romanelli et Gismondi y retrouvent toute leur fraicheur acidulée, tandis qu’en divers lieux du site, les vitrines fascinent par leurs trésors acquis au cours des siècles (collections d’Antiques, Grand camée dit de France, gravures de Rembrandt… à Picasso, manuscrits bien sûr, dont celui de Notre Dame de Paris par Victor Hugo…). Autre merveille, la salle emblématique du site dite salle ovale ou parfois « paradis ovale ». Elle devient, en outre, salle de lecture ouverte à tous (gratuitement, sans inscription) avec quelques 6.000 livres d’art, 2.000 œuvres de littérature… et 9.000 albums de bandes dessinées. Numérique et expositions temporaires complètent le plaisir, sans aucun doute, de ces découvertes.
BNF, 58 rue de Richelieu, actuellement se tient l’exposition jusqu’au 15 janvier 2023 « Molière, le jeu du vrai et du faux », Galerie Mansart.

C’est à un étrange, bouleversant voyage que nous convie le Centre Pompidou, dans le sillage de « l’Intranquille » (titre de son ouvrage paru en 2011), Gérard GAROUSTE, jusqu’au 2 janvier 2023. Environ 120 créations de l’artiste, souvent de grand format, nous invitent, avec ses figures drolatiques parfois, tourmentées souvent, énigmatiques toujours, et au chromatisme puissant voire hypnotique à « quitter le chemin droit et se retrouver dans la forêt obscure ». Ce même chemin que prenait Dante au Chant 1 de l’Enfer dans la Divine Comédie. Car Gérard GAROUSTE plonge, fouille, puise son inspiration dans de grands textes tels la Divine Comédie donc, les Métamorphoses d’Ovide, Don quichotte de Cervantès, Gargantua de Rabelais, Goethe, Kafka… Il se les approprie ensuite au fil d’une quête métaphysique entre raison et folie. A remarquer qu’il s’intéresse tout particulièrement à la Bible et l’Ancien Testament, avec une étude approfondie du Talmud et de la Kabbale, jusqu’à se convertir en 2014 eu judaïsme. Marié à la talentueuse designer Elisabeth GAROUSTE, d’origine ashkénaze, il n’aura de cesse que d’explorer ces textes, hanté, dit-il, par la « duperie que fut son enfance ». Il découvrit tardivement en effet, que son père avait prospéré, vendant des meubles de juifs déportés pendant la guerre. Homme de grande générosité, il créera avec son épouse l’association La Source, pour initier à l’art des enfants en grande difficulté, n’oubliant jamais selon ses dires, que la peinture le sauva de l’abime. Bouleversant voyage, donc !


Avant de poursuivre dans des univers également tourmentés, mais non moins passionnants, accordons-nous une lumineuse respiration avec « Face au soleil, un astre dans les arts », Musée Marmottan jusqu’au 29 janvier 2023. Exposition que l’on devine, bien sûr, sous le regard tutélaire de Claude Monet avec « Impression soleil levant » de 1872 (il y a 150 ans). C’est là un astre fascinant en tous lieux, en tout temps (Egyptiens, Grecs, Aztèques… Louis XIV…). Mais en peinture, son éclat ne se révèlera de fait que tardivement. Hors celui des icônes et des peintres dits « primitifs » travaillant à fond d’or, n’oseront réellement s’y affronter, en révéler puissance et beauté que Claude Gellée, dit le Lorrain, au XVIIe siècle ou plus tard, magistral, Turner. Le noble astre pourra prendre ensuite des accents plus fantastiques, inquiétants, expressionnistes avec des artistes tels Gaspard David Friedrich, Edouard Munch (dont le soleil illumine l’affiche d’exposition) Otto Dix… A la suite des travaux du chimiste Michel-Eugène Chevreul au XIXe siècle, et notamment de son ouvrage « de la loi du contraste simultané des couleurs », c’est à la couleur pure, à la couleur-lumière, que s’attacheront certains artistes (néo-impressionnistes, fauves…) ouvrant un large pan de l’art au XXe (et XXIe !) siècles, ainsi que l’illustrent ici André Derain, Otto Freundlich, Robert et Sonia Delaunay, Gérard Fromanger…

 

Revenons à Edvard Munch et dépassons un instant son célèbre « Cri » (en existent en fait plusieurs versions), pour découvrir au-delà de cette prégnante angoisse : Edvard MUNCH (1853-1944), « un poème de vie, d’amour et de mort », musée d’Orsay jusqu’au 22 janvier 2023.
Le musée nous offre une vaste rétrospective entre symbolisme et expressionnisme de ce peintre norvégien illustrant l’importance, tout au long de sa carrière, de grands cycles sur précisément la vie, l’amour, la mort. En témoigne une œuvre emblématique « Frise de la vie ». S’il est vrai que sa propre vie fut très tôt traversée de morts (sa mère, sa sœur, de tuberculose), d’amours tumultueuses, d’addictions, de dépressions (interné un temps), il sut toutefois parfaitement maitriser le fil de sa création, attentif à sa diffusion, sa réception souvent, certes, nourrie de scandales… avec pour exemple, une certaine version de sa Madone avec un fœtus mort. Il fréquenta musiciens, intellectuels de son temps tels Strinberg, Ibsen, déclarant : « tout art, littérature comme musique, doit être produit avec notre cœur sanguinolent ». Pour la peinture : « ce doit être des personnes vivantes qui respirent, s’émeuvent, souffrent et aiment ». Pour cela au cours du temps, il simplifiera son langage plastique pour un trait libre, ne s’attardant pas sur les détails, pour une couleur tout aussi libérée du réel, aux jaunes incandescents, violets profonds, verts vifs ou livides ; tous deux, trait et couleur, destinés à souligner la profondeur des états d’âmes, de ses personnages entre mélancolie, angoisse, passion… et destruction parfois. A noter peut-être une somptueuses, envoutantes « Nuit étoilée », hommage, peut-être à Van Gogh, qu’une ombre au premier plan contemple de même : Edvard Munch lui-même.

 

Ne quittons pas le musée d’Orsay sans (re)découvrir l’œuvre de Rosa BONHEUR, (1822-1899) du 18 octobre au 15 janvier 2023. Personnalité originale, Rosa Bonheur est, pour son époque, l’artiste des paradoxes ; Peinture animalière alors célébrée, rare femme à vivre de son art, elle sut imposer en ce rigide XIXe siècle, sa liberté et son indépendance de vie. Sans anthropomorphisme, sentimentalisme ou complexes mises en scène, ses peintures et dessins insufflent vie aux animaux qu’elle observait inlassablement. De son célèbre tableau « labourage nivernais » (1849), commande de la jeune seconde République, Théophile Gauthier dira, enthousiaste, « sentir la lourdeur de leurs attitudes, la force de leur traction, la lenteur de leur mouvement ». Nous remarquerons que loin de cette attention, ce réalisme, Rosa Bonheur n’esquisse que fort rapidement les humains protagonistes ! complétant cette exposition :
-    « Rosa Bonheur intime » jusqu’au 30 janvier 2023, au château By à Thomery, son lieu de vie 40 ans durant.
-    « Capturer l’âme, Rosa Bonheur et l’art animalier », tableaux - dessins – sculptures, château de Fontainebleau jusqu’au 23 janvier 2023.

 

Le Palais Galliera, quant à lui, relève un défi de taille pour évoquer cette autre femme :  Frida     KAHLO (1907-1954), « au-delà des apparences », jusqu’au 5 mars 2023. Ne nous y trompons pas. Il ne s’agit pas là de ses œuvres, mais de la façon dont, au-delà du handicap, sur son corps même, elle compose son identité de femme et d’artiste. Atteinte à 5 ans de poliomyélite handicapant sa jambe droite, elle survit miraculeusement plus tard à un grave accident mais la colonne vertébrale brisée, le corps définitivement souffrant. Elle revêtira alors cette souffrance de riches couleurs et accessoires, relevant de traditions mexicaines, sud-américaines ou de civilisations précolombiennes. Une photo nous la montre relevant son huipil révélant un corset qu’elle a peint d’un marteau et d’une faucille, affirmation politique sans ambiguïté (en 1937, Léon Trotski et son épouse trouveront refuge chez elle)… et de l’autre côté d’un Quetzalcoat, affirmation là nationaliste avec cet oiseau-serpent fondateur de la civilisation Aztèque. Je préciserai que la Huipil est un élément de ses fameuses robes « Tehuara » richement brodées et souvent présentes dans ses tableaux, superbes remparts à sa douleur. Tous ces accessoires (vêtements, bijoux dont de magnifiques colliers pré-colombien, corsets– prothèses ornées, mais aussi lettres, photographies…) sont issus de la Casa Azul, maison natale de Frida Khalo à Mexico, mis sous scellés à son décès en ce même lieu par son mari, le peintre Diego Rivera et redécouverts en 2004. L’ensemble constitue une vision poignante et magnifique de cette femme, de cette artiste et participe de son extraordinaire magnétisme.

 

Du Palais Galliera, rendons nous au Musée d’art Moderne de la Ville de Paris pour Oskar KOKOSCHKA « un fauve à Vienne » (1886-1980) jusqu’au 12 février 2023. C’est la première grande rétrospective parisienne consacrée à ce peintre, écrivain, dramaturge, poète, grand voyageur et grand provocateur tout autant. Son art, jamais tiède, témoignera au cours de sept décennies de création, des bouleversements artistiques, intellectuels, politiques de son temps. Qualifié « d’enfant terrible » (« l’enfant prodige sera Egon Schiele très inspiré par lui) dans la Vienne début XXe siècle et soutenu, au cœur de la Sécession Viennoise pour Gustav Klimt et Adolf Loos, Oskar Kokoschka se fera portraitiste de la société contemporaine. Il n’hésitera pas, toutefois, à user d’un trait expressif, « expressionniste », rapide, tourmenté, d’une matière épaisse, puissamment colorée, sans cesse retravaillée ; et cela afin selon lui, de mieux cerner la personnalité du modèle, comme plus profondément encore celle de l’époque tout aussi « tourmentée ». Qualifié plus tard d’artiste dégénéré par le régime nazi, il connaitra l’exil, s’engageant pleinement dans la lutte contre le fascisme. En témoigne par exemple, son tableau « Anschluss – Alice au pays des merveilles » de 1942, stigmatisant l’incurie, la folie humaine. Après la guerre, explorant tragédies grecques ou récits mythologiques pour y trouver un ferment commun aux nations, la puissance toujours subversive de son art ne faiblira guère, étant pour lui le vecteur essentiel pour l’émancipation et l’éducation à la Liberté.

Tant d’autres expositions à Paris, comme ailleurs.
Johan Heinrich FÛSSLI (1741-1825) « entre rêve et fantastique » Musée Jacquemart-André jusqu’23 janvier 2023. « Laissez-vous tenter par la frayeur, elle n’est que le fuit de mon imagination » déclarait-il. Un imagination féconde, nourrie tant par les courants artistiques maniéristes, néo-classique, pré-romantique, germanique (Sturm und Drang : Tempête et Passion) que de mythologies nordiques , de littérature, théâtre,(Goethe, Shakespeare…). Des œuvres aux camaïeux bruns-noirs, nous transportant de la délectation au cauchemar (titre d’une de ses œuvres – 1782).

William MORRIS à la Piscine de Roubaix (8/10 au 08/01/23) A la fois peintre, écrivain, poète et éminent fondateur du courant Arts et Crafts (l’art dans tout et pour tous).

« Cirque » jusqu’au 31 décembre 2022 au musée Matisse du Cateau-Cambresis, avec Chagall, Léger, Rouault, Matisse…

 

Alice NEEL, « un regard engagé » (1900-1984) Centre Pompidou jusqu’au 16 janvier 2023. Un pinceau engagé, coloré, trempé au plus près de toute humanité.

Photographies avec :

Les tribulations d’Erwin BLUMENFELD, musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, du 13 octobre au 5 mars 2023. De riches expérimentations formelles, du mouvement DADA en Europe aux couvertures historiques du magazine américain (où réfugié depuis 1941) Harper’s Bazaar.

 

Boris MIKAÏLOV – journal ukrainien » (1938, né à Kartiv), Maison européenne de la photographie jusqu’au 15 janvier 2023. Ou comment, avec talent, « saper » la propagande russo-soviétique et sa désinformation de 1960 à aujourd’hui.

 

Et tout près de chez vous, le désormais fort renommé : Festival international de la photo animalière et de la nature, Montier en Der (Haute-Marne), du 17 au 20 novembre 2022. A l’occasion de la 25e édition, il recevra parmi de très nombreux invités, le prestigieux photographe américain Steve McCurry, présenté, il y a peu au musée Maillol et auteur, entre autres fascinantes images, de la « jeune fille afghane aux yeux verts ». A Montier en Der, c’est l’exposition inédite de son livre « Animals » qui retiendra toute notre attention.

 

Refermons ces pages dans la lumière de Claude MONET et Joan MITCHELL, Fondation Vuitton, jusqu’au 27 février 2023. En fait 2 expositions : « Rétrospective Joan Mitchell » (1926-1992),  et « Monet-Mitchell ». Je ne reviendrai pas tant sur l’œuvre de Claude Monet, que chacun, je pense, à ses diverses périodes, porte en lui, que sur celle de Joan Mitchell et leurs possibles affinités de styles, de sujets, de formats, de lieux aussi car Joan Mitchell s’installera en 1968 à Vétheuil, un endroit de villégiature de Monet et à deux pas de Giverny. Mais tout cela avec beaucoup de précautions, car ne déclarait-elle pas : « j’aime le Monet de la fin (celui des Nymphéas) mais pas celui des débuts ». Elle appartient à ce que certains critiques d’art, après les peintres, expressionnistes abstraits Pollock, de Kooning, Rothko…, nomment la Seconde Ecole de New York avec Sam Francis, Helen Frankenthalter… Alors qu’elle expose à Paris, Pierre Schneider fasciné, écrit « on a l’impression qu’une ampoule électrique brille en plein jour ». L’impression d’un espace naturel lumineux, avec au-delà la lueur d’un espace autre, imaginaire ou mémoriel.
J’oserais parler de « surimpression » de deux espaces lumineux. Mais mieux que ces mots, ceux de l’artiste même : « je peins à partir de paysages ressouvenus que je porte en moi, et du souvenir des émotions qui leurs sont liées, qui bien sûr se transforment. Je ne veux pas du tout refléter la nature mais plutôt ce qu’elle produit en moi ». Et ces mots magnifiques du critique Michaël Gibson en 1982 : «  il y a des signes tangibles de combat dans ces œuvres : la peinture est appliquée par balafres, par impulsions et parades ; il y a des obstacles hardiment surmontés, des buissons et des massifs de ronces. Mais en incroyable contraste avec cela, il y a aussi le faste, la gamme entière, joie, tristesse et tendresse de la couleur qui transforment ce combat en un chant ». Faste des jaunes solaires, des bleus profonds, des mauves soyeux, des verts, des rouges… Au-delà de tous mots, impressions, sensations, émotions que chacun de ces deux grands artistes portent en eux et offrent aux regards de tous les spectateurs, à notre seul regard.

 

Aussi soyons les attentifs regardeurs à toute forme d’art, de culture.

Pour vous

Christine Leduc

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