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30/01/2024
UN REGARD SUR L'ACTUALITE ARTISTIQUE de janvier à juillet 2024.
Soyons en assurés, les beaux jours se profilent.
Ernest Hemingway, dans son ouvrage « Paris est une fête » nous l'affirmait déjà : « il y avait tant d'arbres dans la ville, que vous pouviez voir le printemps se rapprocher de jour en jour, jusqu'au moment où une nuit de vent chaud l'installerait dans la place, entre le soir et le matin ».
Résidant alors à Paris en ces années 20, il y fait connaissance d'artistes dit « de la modernité » ; de cette modernité que nous propose de revisiter le Petit Palais.
« Le Paris de la modernité 1905-1925 » jusqu'au 14 avril 2024
Un parcours époustouflant y retrace l'effervescence de cette époque, tant au niveau artistique que technologique et architectural, dans cette ville lumière où affluent des artistes du monde entier.
Le scandale de la « cage aux fauves » du salon d'automne de 1905 ouvre le bal, puis ce seront Sonia et Robert Delaunay, Max Ernst, Fernand Léger, Kees Van Dongen, Tamara de Lempicka, Gino Sévérini (futuriste italien) ...
A propos de Robert Delaunay, y figure sa toile « hommage à Blériot » 1913-1914... et rien moins que l'aéroplane de Deperdussin (1911).
Sont également évoqués la mode avec, inspirés des ballets russes, des créations de Paul Poiret ; la musique avec le jazz, Joséphine Baker et la revue Nègre, le ballet « Parade » de Satie (imaginé par Cocteau, décors et costumes de Picasso et chorégraphie de Massine).
Tant d'autres domaines nous appellent (architecture, arts décoratifs) avec, entre autres, Mallet Stevens, Rateau, Ruhlmann, Lalique... époustouflant parcours avons-nous dit !
L'exposition du Petit Palais met aussi en lumière la place des femmes, leur émancipation après la Première Guerre Mondiale : parmi elles, la sculptrice :
Chana Orloff (1888-1968)
exposée au musée Zadkine jusqu'au 31 mars : « Sculpter l'époque »
Précisément, en cette « époque moderne », sa reconnaissance fut fulgurante. Quelque peu oubliée ensuite, gageons que cette exposition soit un prélude à la redécouverte de son œuvre tant de bois, de pierre, de ciment (une des premières à utiliser ce matériau) que « de chair et de sang » selon ses propres mots.
Née en 1888 dans l'actuelle Ukraine, elle développe d'abord des talents de couturière, rejoint le « Paris de la mode » en 1910 et y rencontre Soutine, Chagall, Modigliani, Zadkine...
Dès lors attirée par la sculpture, elle connait le succès dès son exposition au salon d'automne de 1913 et cela malgré, dira t-elle, son statut « d’étrangère, femme, juive, artiste » ... et bientôt veuve, élevant seule son fils Didi.
Son succès repose sur sa capacité à faire entrer le genre portrait dans la modernité, tout en préservant la ressemblance, nous livre la commissaire d'exposition et directrice du musée Zadkine, Cécilie Champy-Vinas.
Chana Orloff travaille ainsi par épure, ne conservant que les lignes de force et dont la patine reflète la lumière.
Après la Guerre, tout son travail pillé ou détruit, son modelé se fait plus tourmenté, expressionniste, réalisant par ailleurs plusieurs commandes pour l'État d'Israël.
Restons dans cette « moderne époque » avec l'exposition :
« Dans l'appartement de Léonce Rosenberg … »
Musée Picasso jusqu'au 19 mai
Au fait de sa gloire, en 1928, le marchand collectionneur désire « une œuvre totale » : soit un artiste pour chacune des 11 pièces de son appartement.
L'exposition est donc une évocation du lieu et de cette belle ambition : une quarantaine d'œuvres comme par exemple le « Cycle des gladiateurs » de Chirico pour le hall d'entrée, « Transparences » de Picabia dans la chambre de son épouse, Gleizes pour celle de sa fille Jacqueline.
Czaky, Valmier, Léger, Metzinger, Ernst...des artistes entre post-cubisme, retour à la tradition, surréalisme, au milieu des meubles anciens et modernes nous font revivre ce magnifique passé, toujours cher à nos yeux.
Nous pouvons à présent nous plonger dans les abîmes colorés de :
« Mark Rothko » (1903-1970)
Fondation Louis Vuitton jusqu'au 2 avril
Le parcours chronologique de cette exposition s'ouvre sur une période figurative (portraits, scènes urbaines avec des influences surréalistes dans les années 40).
Période qu'il clôt dès 1946, bouleversé comme tant d'artistes par la révélation de la Shoah. Rappelons que Marcus Rothkowitz est né en Russie en 1903, son enfance marquée par les pogroms, ceux-ci contraignant sa famille à l'exil en 1913.
Aux États-Unis, avec Barnett Newman, Clyfford Still, Jackson Pollock et d'autres, commence alors l'aventure dite « expressionnisme abstrait américain »
Après sa série « Multiforms » Mark Rothko simplifie peu à peu ses compositions pour n'en retenir que l'essentiel : la lumière émanant de la couleur, soit des rectangles sans réel contour, flottant, vibrant d'un halo étincelant, fruit d'une technique, ne nous y trompons pas, très élaborée de fines couches de glacis superposées : « Color Field painting » les nomme le critique Clement Greenberg. C'est ainsi qu'il veut nous mener par un état d'hypersensibilité visuel et émotionnel, aux profondeurs de la conscience, de la condition humaine entre « Clarté et Ténèbres ». Des ténèbres transcrits au soir de sa vie, par sa série « Black on Grey » (1969), qu’accompagnent, que hantent ici les hautes silhouettes d'Alberto Giacometti.
« Je ne m'intéresse qu'à l'expression des émotions humaines fondamentales, tragédie, extase, mort... ». « Mon art n'est pas abstrait, il vit, il respire » souffre et meurt, pourrait-on ajouter, se donnant la mort en 1970.
Après Mark Rothko, intellectuel nourri de la pensée de Nietzsche, Freud, Jung, allons à la rencontre de :
« Lacan, l'exposition. Quand l'art rencontre la psychanalyse »
Centre Pompidou-Metz jusqu'au 27 mai
Possesseur un temps du si fameux tableau, « L'Origine du monde » de Gustave Courbet, Jacques Lacan entretenait plus largement, de fortes relations avec le monde de l'art ; relations dont il faisait souvent référence lors de ses légendaires séminaires.
Une centaine d'artistes sont ici convoqués, ponts jetés entre sa pensée (aux concepts parfois complexes !) et des problématiques toujours actuelles.
Mais c'est peut-être d'abord, avouons-le, le bonheur de voir, revoir des œuvres d'une incontestable puissance telles le sublime « Narcisse » de Caravage (1597, illustrant la théorie du « stade du miroir »), « L'Origine du monde » de Courbet, bien sûr, puis Picasso, Dora Maar, Salvador Dali, Magritte, Niki de Saint Phalle, Louise Bourgeois, Cindy Sherman.
L'année 2024 sera pour nous tous une « heureuse révolution » avec la réouverture, dans son ensemble, du musée d'Art moderne.
150 ans auparavant naissait une toute autre révolution : « Les Impressionnistes » ; plus précisément le 15 avril 1874, dans l'atelier du photographe Nadar. Aussi dans toute la France, printemps et été bruisseront de ce « courant d'air ». Nous aurons bien sûr l'occasion d'en reparler.
Mais sans attendre ces jours, le musée de l'Orangerie poursuit son riche dialogue entre « Nymphéas » de Claude Monet et artistes contemporains
Après Hermann Nitsch et sa puissante « action painting » colorée (jusqu'au 12 février), le calme, voire la méditation s'invitent avec deux artistes :
« Robert Ryman. Le regard en acte »
du 6 mars au 1er juillet 2024
Toutes les nuances, subtilités du blanc, la matière, la lumière, résonnent avec l'œuvre du Maître des lieux.
« Wolfgang Laib »
du 6 mars au 8 juillet 2024
Ses fragiles installations, de cire d'abeille, de pollen... patiemment récoltés, font écho au frémissement, à la fragilité, la beauté de la nature, nous plongeant dans une pure contemplation.
A noter qu'à Deauville, dans ce magnifique couvent restauré « Les Franciscaines » se tiendra l'exposition :
« Zao Wou-Ki, les allées d'un autre monde » (1920-2013),
du 2 mars au 26 mai 2024
Y figurera, entre autres, un tableau « Hommage à Claude Monet » 1991.
Hommage empreint d'émotions, de sensations, au travers de son langage, ses sublimes nuées colorées.
Pour terminer, permettez-moi une incursion où se côtoient avec bonheur, passé-présent. Il s'agit de la réouverture, le 2 février 2024, de la
Fondation Bemberg à Toulouse
Plusieurs années furent, là aussi, nécessaires à la rénovation du superbe hôtel d'Assézat, d'époque Renaissance.
La première acquisition, à 18 ans, du jeune Georges Bemberg (1915-2011, d'origine argentine) fût une gouache de Pissaro. Suivront Monet, Degas, Gauguin, Matisse, Picasso, Bonnard (magnifique autoportrait).
Collection qu'il complètera par un époustouflant panorama de 500 années d'art français, flamand, hollandais, allemand et bien sûr italien.
On y croise des chefs d'œuvre de Le Brun, Boucher, Cranach, Titien, Tintoret, Véronèse...sans oublier mobilier, objets, précieux livres : une merveilleuse plongée dans le temps et l'art.
Aussi je vous souhaite à tous un merveilleux printemps.
Pour vous.
Christine Leduc